« The Life of Sculptures », Erika Verzutti, 2024, La Tour, Galerie Est, Parc des Ateliers, LUMA Arles, France. Collier de jaques avec rêves, Erika Verzutti, 2024 - Grès, résine, dessins • © Victor&Simon - Joana Luz
À l’image de ses allers-retours entre São Paulo et l’Europe, où elle vit et travaille, Erika Verzutti (née en 1971) cultive une pratique sculpturale qui emprunte à des références plurielles, à géométrie et géographie variables. Continuellement, l’artiste puise dans un répertoire de formes organiques, humaines et animales, s’empare de codes visuels issus de l’histoire de l’art moderne ou du design moderniste. Elle cite également l’architecture et l’art brésiliens, dont l’essence imprégnant subtilement ses œuvres est visible de par la construction et le choix des matières saisies.
Précédemment en résidence à LUMA Arles, de mai à juillet derniers, Erika Verzutti présente au sein de l’institution « The Life of Sculptures », exposition aux airs d’atelier, où se découvre en premier lieu une accumulation de modèles en argile étalés sur le sol, parmi d’autres, métalliques ou minéraux, dans un rectangle aux contours imparfaits. Cette sorte de « cimetière sculptural » qui réunit des rebuts de l’artiste résonne étroitement avec le « cycle de vie » de ses sculptures. « Dans mon travail, il y a quelque chose qui relève des difficultés de la verticalité. L’exposition emprunte des notions propres à la narrativité.
Je pense qu’il y a toujours des indices d’animations ou d’indications des
sculptures qui permettent de les considérer comme des êtres autonomes. Ici, ces sculptures sont allongées, elles se reposent sur des cubes en résine », réagit l’artiste.
Pourtant bel et bien inertes, les sculptures d’Erika Verzutti sont donc, selon ses mots, à considérer comme vivantes, tel que le suggère le titre de l’exposition. Ainsi la Brésilienne, qui travaille habituellement en appréhendant la verticalité, a-t-elle choisi ici de plonger ces « êtres » dans un état de repos, tout en conservant ses compositions répétées originelles qui rappellent The Endless Column de Brancusi. « Quand vous commencez à allonger des sculptures horizontalement, beaucoup de choses se passent. Il y a une ligne sur un cube de résine, dans lequel sont imbriqués des journaux. Cette présence des journaux sert d’oreiller sur lequel la sculpture se repose », indique-t-elle à propos de son installation centrale Crise de la sculpture (2024). Une « crise » silencieuse toutefois, et parfaitement maîtrisée, où pas un bruit ne s’échappe de ces volumes endormis.
De bronze ou de béton, les œuvres tridimensionnelles qui rythment l’espace s’offrent à une nature abstraite, mais dont les surfaces et les reliefs, agrémentés des traces de la main de l’artiste ou d’outils de sculpture, laissent transparaître des images anthropomorphiques. Ici et là, on assimile un bloc creusé à un buste, une sphère à une tête, un parallélépipède à un membre. Erika Verzutti intègre aussi des évocations de fruits et de végétaux exotiques, qui partagent et échangent des motifs agencés entre eux comme des cadavres exquis. Cette rencontre entre les signes et les symboles déroute ; le curseur global se place entre inspirations surréalistes et rêves cubistes. Aux murs, des « tableaux » moulés, creusés, peints, dont certains peuvent rappeler esthétiquement le spatialisme de Lucio Fontana, parachèvent ce sommeil collectif où s’entremêlent les références à l’histoire de l’art.
La pratique et l’exposition d’Erika Verzutti résonnent finalement avec l’esprit même du lieu qui les accueille – sur le site web de LUMA, Maja Hoffmann, fondatrice de l’institution arlésienne, souligne : « S’il y a une image, une métaphore pour cette institution du XXIe siècle, c’est celle d’un organisme vivant.
Là où la question n’est plus de savoir si les espaces sont ouverts ou fermés mais sur quel mode ils fonctionnent à l’instant présent : là où toujours, quelque part, quelque chose se passe. Un archipel biologique… » De la même manière, « The Life of Sculptures » fait état d’une agglomération de corps ; souhaités vivants, mais figés dans leur inertie, ils laissent voguer l’œil du regardeur dans un espace assoupi.