Créée en 2017 par le communicant Philippe Massé et l’artisan verrier Thomas Arnal (ainsi que quatre autres associés), la Compagnie du Verre met en lumière la technique du travail à froid auprès de créatifs de toutes disciplines, grâce à une sensibilité artistique originale et une véritable cohésion entre divers savoir-
faire. Antoine Baudouin a rejoint la Compagnie en 2019, et il entraîne aujourd’hui l’entreprise vers des projets toujours plus innovants.
Philippe Massé : C’est une technique particulière principalement utilisée pour la réalisation de portes, de vitrines, de comptoirs. Le verre n’est pas chauffé pour être transformé. Il est travaillé à la main sous sa forme solide grâce à des techniques traditionnelles de gravure, comme le sablage, le bouchardage, et d’autres techniques comme la dorure. On le pense souvent comme un élément constructif et pourtant ses procédés nous permettent de l’intégrer dans le domaine de la décoration ! Nos verriers d’art spécialisés nous permettent d’offrir un emploi plus artistique de cette méthode.
Antoine Baudouin : En travaillant le verre, un matériau transparent, nous jouons immédiatement avec la lumière. Ces différentes techniques nous permettent d’arrêter, ou non, la lumière et de révéler une nouvelle matière à travers des motifs très variés, des épaisseurs, des dégradés, des effets polis.
A.B : Le cœur de notre métier réside dans la connaissance du verre et de son travail à froid. Nous passons donc du temps dans la recherche de techniques que nous pouvons employer. Et nous découvrons qu’elles sont infinies ! Travaillant particulièrement le sablage, nous réalisons les gravures avec une variété de pochoirs que nous essayons de renouveler. En ce moment, nous œuvrons avec une pâte comme pochoir que nous venons griffer pour créer de nouveaux reliefs. Nous développons également le pochoir au plotter. Avec un dessin vectorisé, cette machine prédécoupe le pochoir pour graver de manière fidèle et précise.
P.M : La table de Michel Houellebecq et Louis Paillard a été réalisée avec cette technique. Nous avons reproduit la carte qui apparaît sur la première page du roman illustré La carte et le territoire, sur une table en verre. C’est un projet réalisé main dans la main avec Louis Paillard pour adapter au mieux son dessin mais aussi avec d’autres artisans, comme notre doreur, pour créer le plus fidèlement possible la couleur bleue de la carte. C’est dans un échange permanent que nous travaillons.
P.M : Nous cherchons l’innovation. Cela passe par la façon de graver avec de nouvelles techniques mais aussi dans l’ajout d’autres disciplines comme l’argenture, utilisée notamment pour les miroirs. Nos verriers et nos deux artisanes expérimentent sans cesse des mixtures pour trouver leur propre recette. Ce sont des manières de changer notre perception du verre, aussi bien graphiquement que techniquement.
A.B : La dorure prend également une place plus importante avec un développement plus artistique. Ce n’est plus sur la transparence que nous jouons mais sur l’effet que ce savoir offre aux dessins préalablement gravés sur le verre. C’est un vrai travail de collaborations et de recherches que nous réalisons avec l’atelier de dorure Higué (Antoine Letellier et Ayumi Morita).
P.M : La Compagnie du Verre est d’abord un fournisseur qui apporte une expertise sur le matériau. Le verre est dur, presque revêche, mais il est aussi fragile. C’est tout son paradoxe. Nous sommes donc au service des architectes et des designers pour mettre en œuvre leurs projets et trouver ensemble la façon pour les adapter au matériau.
A.B : Chaque projet est une vraie co-création. Récemment nous avons travaillé avec l’agence d’architecture Jouin Manku pour la création de vitrines dans l’allée Majorelle de l’hôtel La Mamounia à Marrakech. Il a fallu monter en compétence pour réaliser ces grands panneaux de verre et s’accompagner d’autres expertises en verre pour ajouter une nouvelle dimension au matériau. Les vitrines ont été gravées des dessins de Jouin Manku inspirés des fresques de l’espace. Sablés, les miroirs obtiennent un dégradé subtil renforcé par l’insertion de pétales en verre soufflé, réalisés par une entreprise spécialisée. Ce sont toutes ces phases de tests et d’échanges qui nous poussent au développement.
A.B : Le verre des bouteilles est très bien recyclé, contrairement au verre plat utilisé dans le BTP.
C’est une problématique dans laquelle nous avons un rôle à jouer, dans la réutilisation de ces verres comme base de travail. Nous n’avons pas besoin d’un verre neuf, sans aucune rayure ou altération du temps, car nous le sablons. Nous avons eu un projet cette rentrée 2023 qui nous a tenu à cœur, car il répond à cette question écoresponsable. Pour l’accueil du ministère de la Culture, nous avons imaginé un lustre monumental à partir de verres du bâtiment. Une fois l’espace entièrement démonté pour être réaménagé, nous avons récupéré des bouts de verres pour les redécouper, tailler et boucharder avant de les assembler. Placée sous une coupole lumineuse, la suspension se révèle dans un jeu de scintillements et de transparences.
Dans notre atelier, nous réutilisons nos chutes pour les recherches. Nous arrivons donc à mettre nos verres dans le circuit du recyclage. Mais ce projet nous fait entrer pour la première fois dans une action concrète et nous espérons qu’il en inspirera d’autres.
P.M : Nous la voyons s’agrandir !
À travers un plus grand atelier pour développer l’activité via une machinerie plus importante, de nouveaux outils et surtout de nouveaux savoir-faire. Nous aimerions par exemple intégrer une cabine de peinture pour créer nos propres peintures et ainsi ouvrir de nouveaux champs des possibles sur le verre.