Pauline Leprince repense l’inox qui, dans sa forme la plus brute, se libère des contraintes.

Matière révélatrice

Par Louise Conesa

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Depuis sa création en 2023, le jeune studio de Pauline Leprince s’est distingué dans le monde du design par une heureuse succession de projets. D’une direction artistique découleront des aménagements intérieurs et récemment une première collection de mobilier en inox qui ne cesse de croître. Plutôt un esprit naturel et bienveillant que l’artiste chérit et qui guide chacune de ses réalisations.

Si le studio de création parisien touche un éventail de disciplines, une spécificité semble les rassembler : la simplicité. Rien de superflu ni d’exubérant, mais des matériaux et des lignes qui se suffisent à eux-mêmes. Cette approche découle du parcours de Pauline Leprince. Ses débuts dans le domaine du théâtre et du cinéma l’ont amenée à s’interroger et à revenir à sa première passion, le design. Du monde théâtral, elle gardera néanmoins le sentiment de l’importance d’une équipe. « Un studio, c’est comme un film. Le réalisateur est important, mais sans un chef opérateur, un ingénieur son et les autres techniciens, rien ne se fait. » Du « je », il n’est plus question. L’esprit d’équipe et de communauté régit désormais l’approche de chaque réalisation. « Un projet en amène un nouveau. Il était donc important de pouvoir prendre le temps, afin de les développer les uns après les autres. » Pauline Leprince crée avec conscience et bienveillance. Et sa première collection de mobilier en est la plus récente manifestation. Attirée depuis longtemps par la production d’objets, la designer ne s’est pourtant pas précipitée, préférant se pencher sur ses dessins, entourée de son studio et d’artisans pour mener à bien cette série de pièces en septembre 2023.

Car derrière ses créations, ce sont un regard, une réflexion sur la fonctionnalité de l’objet et la signification que chaque personne peut lui attribuer. À partir de formes simples tantôt arrondies, tantôt aigües, le studio crée des échos équilibrés d’un objet à un autre. D’un dessin de fauteuil, sont ainsi apparus des luminaires et des tables de tous volumes. Pour la créatrice, « c’est l’économie de l’objet qui est intéressante et qui permet, à partir d’un seul dessin, de créer une communauté d’objets modulables à l’infini ».

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Bien que des maîtres du design comme Carlo Scarpa ou Maria Pergay soient évoqués en contemplant ces pièces, c’est surtout le passé cinématographique de Pauline Leprince qui resurgit avec le jeu de lumières qu’offre l’usage de l’inox. Depuis toujours, la créatrice s’est passionnée pour les matières brutes et, sensible à la valeur durable du design, elle a distingué l’acier inoxydable pour sa capacité de recyclage et son adaptation à la création artistique. « Découpé, plié, brossé, au naturel. La malléabilité de l’inox, dans son état le plus pur, nous offre une exploration formelle infinie », confie-t-elle. Suivant ainsi le fil conducteur de son mobilier, le studio s’est aventuré dans ce matériau à différentes échelles. De la production de pièces de la table où chaque objet résonne et s’assemble par un dessin commun, aux réalisations architecturales, tel l’aménagement de l’ancien appartement de Karl Lagerfeld. Carte blanche, le projet offre l’opportunité à la designer de poursuivre le regard novateur du styliste insufflé dans sa résidence, en déclinant l’inox déjà présent, tant sur le mobilier que sur des éléments architecturaux. Mouvement Art déco ou vision futuriste ? Le studio aime construire à partir du passé, et ce projet en témoigne avec de subtils échos entre la création d’hier et celle de demain.

Du matériau au processus de création, la simplicité et la transparence sont les valeurs fondatrices du studio de Pauline Leprince. Si l’inox se présente comme son premier terrain d’expérience, la jeune équipe créative se penche sur de nouvelles matières réfléchissantes telles que le verre. En bi-matière avec l’inox sur une nouvelle famille d’objets, le studio aborde ce matériau également seul avec une pièce historiquement marquée, le paravent. Fascinée par les objets à la signification politique et sociale forte, la designer interroge ici l’histoire du paravent, conçu pour cacher une nudité, principalement féminine. Explorant sa place dans le monde actuel, le studio emprunte le chemin inverse de la fonction traditionnelle. Plutôt qu’il n’occulte, il révèle le corps en utilisant des panneaux en plaques de verre soufflé. Les silhouettes s’allongent, s’épaississent, se rétrécissent. « C’est un paravent qui cherche à déformer notre vision et l’image prédéfinie du corps humain, laissant apparaître ce que l’on a envie de regarder. »

Avec son studio, Pauline Leprince repense le matériau qui, dans sa forme la plus brute et la plus simple, se libère des contraintes conventionnelles de la forme. Elle révèle de nouvelles fonctions à l’objet et stimule l’imaginaire tant collectif qu’individuel. De l’inox, une tribu de pièces a vu le jour, suscitant une fascination pour le verre.