Rencontre avec Maxime Liautard

Embarquement vers les Années folles

Par Louise Conesa

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Repenser la salle d’embarquement d’un aéroport n’est pas un projet qui se présente tous les jours dans la vie d’un architecte d’intérieur. Sélectionnés par le groupe ADP (Aéroports de Paris), les anciens associés Maxime Liautard et Hugo Toro ont relevé le défi unique en transportant les passagers dans le Paris des Années folles, au cœur de l’aéroport Charles de Gaulle.

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Entretien

Maxime Liautard,

Architecte fondateur, Liautard and the Queen


Quels étaient les principaux objectifs de la rénovation du Terminal 1 de l’aéroport Charles de Gaulle ?

Le défi consistait à créer un projet chic avec des matériaux nobles et jamais vus dans ce type d’ERP (Établissement Recevant du Public). Cela peut être très frustrant, car les matériaux normés ne nous conviennent pas. Les moquettes non feu antitache, les tissus sans relief, les cuirs synthétiques… Le pire cauchemar d’un décorateur. Et progressivement nous fouillons et trouvons des solutions avec les fournisseurs qui nous suivent sur tous nos projets. C’est si satisfaisant !

Avez-vous fait face à des contraintes, en termes de matériaux notamment ?

En termes de matériaux, nous avons insisté pour qu’une grande partie des laitons soient non traités. Aujourd’hui, il n’est plus accepté que les matériaux vieillissent, ce qui est bien triste. Pour le laiton, c’est une question de nettoyage. Il est donc verni pour qu’il brille à jamais, mais nous souhaitions vraiment qu’il patine avec le temps. Après un long débat avec ADP, nous avons réussi à convaincre l’équipe de nettoyage qu’il était nécessaire de laisser apparaître les traces de doigts.

Une contrainte à laquelle je n’aurais jamais pensé, a été celle des chewing-gums. C’était un sujet important pour l’entretien des matériaux et le dessin du mobilier. Tout le monde n’est pas forcément respectueux des espaces publics et certaines personnes ont parfois cette idée très désagréable de coller leurs chewing-gums usagés n’importe où. Nous avons donc dû éviter tout recoin, couture ou fente qui laisserait cette possibilité.

L’ouvrage Paris est une fête d’Hemingway a-t-il immédiatement inspiré le projet ?

Pas immédiatement. Nous voulions revenir à l’âge d’or des grands voyageurs, la classe des années 1930, mais accessible à tous. En nous inspirant des lieux mythiques parisiens, nous sommes arrivés à cette folie grandiose des écrivains américains. À cette période qui promouvait le rayonnement de la Ville Lumière dans le monde entier. Nous sommes alors tombés sur la couverture de Paris est une fête d’Hemingway, confirmant tout de suite que nous prenions la bonne décision.

Dans cette nouvelle salle d’embarquement, le passager retrouve quelques clins d’œil aux Années folles et aux éléments iconiques de la vie parisienne : les poteaux historiques, des luminaires rappelant les feux d’artifice, le laiton en référence aux pieds des comptoirs et tables des bars parisiens.

Quels matériaux et couleurs avez-vous choisis pour créer l’atmosphère souhaitée ?

Nous avons travaillé avec Nobilis pour les tissus et créé un velours ultrarésistant. Spinneybeck a fourni les cuirs. Ils sont spécialisés dans les cuirs de bateaux, également très résistants. Nous avons aussi souhaité utiliser des matériaux nobles tels que le marbre, le bois, le laiton et le chrome. Ce sont des matériaux que l’on n’a pas l’habitude de voir dans de tels lieux, tout comme les couleurs chaleureuses choisies, apaisant et rassurant les passagers.

Comment avez-vous intégré cet aménagement dans l’architecture de Paul Andreu ?

Une grande partie de l’aménagement s’intègre dans un nouveau bâtiment, mais nous avons voulu faire plusieurs clins d’œil à l’architecture de Paul Andreu dans certains dessins de banquettes intégrant les chaises longues. Elles reprennent les courbes du bâtiment central du T1, surtout dans les satellites que nous avons réaménagés en gardant toute la structure architecturale et en insérant nos assises autour de celle-ci.