Sur la voie du design expérimental

Fondation d’entreprise Martell

Par Virginie Chuimer-Layen

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Créée en 2017, la Fondation d’entreprise Martell continue sa mue en devenant « une plateforme de recherche et d’expérimentation pour designers, artistes et chercheurs, ainsi qu’un lieu public de sensibilisation et d’apprentissage tourné vers le Vivant ». Sa nouvelle directrice Anne-Claire Duprat nous explique son orientation inédite.

En 2015, à l’occasion de son tricentenaire, la Maison Martell décide de créer une fondation culturelle, artistique et sociale, dans son splendide bâtiment moderniste, à Cognac. Au fil de sa mise en place, la fondation prend le virage des métiers d’art, en développant les « Ateliers du faire » – céramique, bois, verre – au premier étage, comme à travers des expositions transversales menées tambour battant par son ex-directrice Nathalie Viot. Désormais, avec Anne-Claire Duprat, spécialiste des politiques culturelles et de l’art contemporain, la fondation renouvelle sa carte d’identité. À côté de résidences d’un nouveau genre, cette dernière redéfinit les notions de design et de pratiques, dont l’exposition prospective « Almanach » avait esquissé les premières lignes.

Entretien

Anne-Clair Duprat,

Directrice, Fondation d’entreprise Martell


Anne-Claire Duprat, qu’avez-vous trouvé à votre arrivée, à la fondation d’entreprise Martell ?

Une entité orientée vers les arts visuels et les métiers d’art, mais peu vers le design. Il a donc fallu trouver une manière de soutenir cette discipline, véritable levier pour la transition écologique. Ainsi, nous avons décidé de réaménager notre programme de résidences, en créant des résidences pour designers, mais aussi pour penseurs, scientifiques, anthropologues et artistes, dont la pratique fait naître de nouvelles pensées et des outils capables de répondre aux enjeux de la crise écologique.

Quel type de design mettez-vous en lumière ?

Un design de recherche, expérimental. À l’instar de la Fondation Pernod Ricard, nous soutenons des designers émergents ou installés, internationaux ou non, qui, pour exemple, poursuivent une démarche dite « régénérative » et ancrée dans une biorégion, en explorant la question des ressources naturelles, industrielles, ou de transformation des savoir-faire… Nous ambitionnons de sortir cette discipline de son image réductrice de production d’objets, en proposant au public de nouvelles voies d’expérimentation. À cet égard, la vision d’Atelier Luma, à Arles, a été inspirante, comme celle de l’école de Design d’Eindhoven, prônant un design éco-social, encore peu développé en France…

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Le format de vos résidences est-il le même pour tous les projets ?

Non, il est variable. Les résidences de réflexion durent un mois, celles de recherche et d’expérimentation ouvertes à la production, entre un mois et demi et deux mois. À terme, nous espérons accueillir environ vingt résidents par an. Ces derniers perçoivent une base mensuelle de 1 500 euros, à laquelle s’ajoute, entre autres, la prise en charge de l’hébergement, des coûts de production adaptés au projet. La dotation finale peut, en valeur, atteindre jusqu’à 4 000 euros par résident.

Les designers ont-ils une obligation de production ?

Non, mais nous leur demandons de nous laisser une trace de leur passage. Le designer théoricien cubain Ernesto Oroza, venu en résidence en juillet 2023, nous a laissé des textes et une petite installation.

Concrètement, qu’apporte le design aux territoires ?

Des réponses à des problématiques de terrain. Je suis en discussion avec les acteurs locaux et des écoles avec qui je souhaite créer des partenariats. Notamment avec le Post-Master Design des mondes ruraux de l’EnsAD, délocalisé à Nontron, en Dordogne. À ce sujet, « Almanach » a, en partie, porté la lumière sur ce programme dédié au développement des territoires ruraux par le design.

Évoquons « Almanach ». Comment avez-vous conçu cette exposition ?

Au départ, cela ne devait être qu’un projet de recherche expérimentale, visant à identifier les ressources humaines, artisanales et naturelles, avec lesquelles les futurs résidents allaient pouvoir travailler. Dirigée par Olivier Peyricot, designer-chercheur et commissaire, une enquête a été effectuée sur le terrain par les designers Lola Carrel, Valentin Patis et Mathilde Pellé, auprès de divers interlocuteurs de la région. Nous avons alors décidé d’en faire une restitution, au second étage de la fondation, en y incluant aussi des objets d’art, pour créer quelques contrepoints.

Elle a donc contribué à identifier le nouvel ADN de la fondation. En avez-vous conservé quelques traces ?

« Almanach », qui a mobilisé 64 partenaires, se déroulait en trois parties. La première dévoilait les observations tirées de cette enquête, par le prisme de dispositifs créés par les designers, dans une scénographie de partage et de dialogues. La deuxième, le résultat de la collecte, dans toute sa diversité, révélant la richesse du territoire. Enfin, la troisième partie a été conçue comme une « archive vivante », une bibliothèque-matériauthèque, synthèse des matériaux et des contacts identifiés. Nous maintenons ce dernier volet qui, à terme, conservera les expérimentations des designers-résidents, à travers un pôle de ressources accessibles.

Y a-t-il d’autres aménagements à venir ?

Je souhaite ouvrir un plateau expérimental, où le public découvrira les conclusions de la résidence du designer. Une sorte d’exposition-résidence, support à la recherche et à la poursuite de son travail. Je réfléchis aussi à étendre, au second étage, les Ateliers du faire. Nous avons déjà acheté une imprimante 3D céramique, souhaitons investir dans une machine de thermoformage, et aimerions, plus tard, ouvrir un atelier de sérigraphie. Enfin, nous allons créer une grande exposition annuelle. La première aura lieu en juin 2024, et présentera, pour la première fois en France, le travail du designer-sculpteur américain
J.B. Blunk (1926-2002).

— À voir Fondation d’entreprise Martell, 16 avenue Paul Finiro Martell, 16100 Cognac.
Tél : 05 45 36 33 51. www.fondationdentreprisemartell.com