Le Pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise, conçu par Studio Muoto.

Hémisphère

Par Yves Mirande

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« Quel futur désirable imaginer pour les êtres vivants et pour notre planète ?Comment ne pas perdre espoir dans un monde qui semble chaque jour plus fragile et conflictuel ? Comment s’orienter et agir efficacement dans un univers traversé de fractures économiques, sociales et environnementales aussi profondes, submergé de récits contradictoires et saturé d’images ? » C’est à cet exercice de pensée et d’expérimentation que nous invite Lesley Lokko, commissaire de la 18e édition de la Biennale internationale d’architecture de Venise, avec pour thématique « Le Laboratoire du futur ». L’architecture n’est pas uniquement une discipline qui crée des « actes architecturaux » souvent imbitables et inhabitables. Peut-être l’a-t-on oublié ? L’architecture est aussi – et avant tout – une discipline des Beaux-Arts qui permet de mettre en lumière les évolutions et envies sociétales, de les conscientiser et de les penser, de penser les flux, de penser les territoires, etc. On se souvient ici du génial Andrea Branzi, qui déjà en 1966 pense les flux de la ville, les flux dans les bâtiments au sein de sa thèse. Ou encore de l’autre génial Michele de Lucchi, qui pense des architectures-humus qui se déliteraient pour renourrir à leur tour la terre. C’est sur ce terreau de fertilisation de pensée et d’expérimentation que Studio Muoto a imaginé le Pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise. Un pavillon dans le pavillon, véritable mise en abyme au fond des giardini. Le visiteur est accueilli à l’extérieur par des sons, des grésillements, des chuchotements… comme une invitation à se taire pour mieux se centrer (se recentrer ?) et vivre les expériences.

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Un théâtre en hémisphère obstrue quasiment l’entrée du Pavillon français par sa face courbe et invite le visiteur à la contourner. « Avec le projet “Ball Theater – La fête n’est pas finie”, l’agence d’architecture Studio Muoto, associée à Georgi Stanishev et Clémence La Sagna pour la scénographie, à Jos Auzende, commissaire associée, et à Anna Tardivel pour la programmation, apporte une réponse originale et ouverte aux questions et défis posés par cette biennale », précisent de concert Catherine Colonna et Rima Abdul Malak, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et ministre de la Culture. Ball Theater veut « réveiller l’utopie en nous, comme le résume Gilles Delalex, cofondateur de l’agence Mutuo. Le théâtre est un laboratoire des identités, des lieux, des imaginaires. Nous avons imaginé tout un dispositif pour nous projeter dans un ailleurs, ne pas être dans la rétrospective, mais la prospective. » Sa forme et sa matière rappellent sans conteste la boule à facettes, icône un peu kitsch de la fête. « Ce théâtre a vocation à nous interroger, on aimerait soulever des questions. La boule à facettes nous fait dire que la fête est encore possible », reprend Gilles Delalex. Ce théâtre hémisphérique est à la fois un lieu de représentation, de création et d’expérimentation qui accueille depuis le 20 mai des chercheurs, des étudiants, des artistes et des penseurs, et ce, jusqu’au 26 novembre. Le spectateur est ici au centre du dispositif et d’une scène l’invitant à l’intervention et à la prise de risque.

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La demi-sphère est posée au sol sur une platine circulaire, et les réseaux électriques apparents donnent la sensation que le théâtre est encore en construction. « L’extérieur est habillé d’une surface réfléchissante. On le contourne et on arrive sur une face creuse avec un micro au centre de la scène », précise Gilles Delalex. Un jeu sur le mot ball. Le projet et la forme s’inspirent de la Ball Culture née à New York dans les années 1920, où les balls étaient des lieux d’émancipation et de revendication identitaire, de danse et de fête pour les communautés LGBT afro-américaine et latino en réponse au racisme et à l’homophobie.

Article à retrouver dans son intégralité,

dans Formae #1 septembre - décembre 2023