La matière comme point de départ

Par Marine Mimouni

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Briket, Renaud Defrancesco Studio, édited par NOV Gallery • © Renaud Defrancesco Studio

Les murs de l’ECAL se souviennent encore de l’effervescence créative de Renaud Defrancesco. Diplôme en poche, le designer suisse s’envole pour la capitale anglaise afin de parfaire sa technique au sein du studio de design Industrial Facility fondé par Sam Hecht et Kim Colin. Cette expérience enrichissante l’incite à poursuivre un Master of Science spécialisé en innovation et développement produit interdisciplinaire. Une formation qui renforce son intérêt pour la recherche sur les matériaux. En 2017, le jeune designer fonde le Bureau 141 à Lausanne, en Suisse.

« La culture du design est très élevée en Suisse, notamment celle du design graphique, affirme le jeune designer. Cependant, nous avons aussi le sens de l’innovation. De nombreuses start-ups spécialisées dans les hautes technologies sont installées ici. » Un savoir-faire allant de pair avec l’artisanat local. Et ce n’est pas sans déplaire à Defrancesco.
Au fil des années, le designer réussit à tisser un lien profond avec les artisans de la virgule mais pas seulement : « Nous avons une super école polytechnique à Lausanne. Avec les startupers, je m’amuse à développer de nouveaux matériaux », dit-il.

L’innovation comme moteur

Cependant Defrancesco n’a pas attendu de fonder son bureau d’études pour entreprendre ses recherches. En 2015, alors étudiant à l’ECAL, le designer-chercheur imagine Bulb LMP, un système de LED redéfinissant l’usage de l’ampoule. Une innovation qu’il conçoit avec des ingénieurs spécialisés : « L’objectif était de montrer comment nous pouvons rendre les ampoules LED plus accessibles en proposant une vraie fonction telle qu’un système d’abat-jour, transformant ainsi les ampoules en lampes autonomes. En outre, l’objectif était de réduire la consommation d’énergie. »

Pour ce projet, le designer et ses coéquipiers ont mis au point une double paroi. Ce système lui a permis de concevoir par la suite Hito, un sablier asymétrique contenant des microperles de verre. En un tour de main, l’objet conçu en exclusivité pour la Mobilab Gallery se transforme en un vase sculptural. « Je suis passé d’un projet de haute technologie à un projet plus lent, axé sur la contemplation des objets qui nous entourent et une invitation à prendre son temps. J’ai apprécié l’équilibre entre ces deux projets », affirme le designer.

Car s’il y a bien un mot qui définirait à la perfection le travail de Renaud Defrancesco, ce serait le challenge. Notamment pour ses pièces réalisées en collaboration avec des éditeurs de mobilier comme Cheffy, le moulin à épices imaginé pour RIG-TIG. « Il est possible de défier les éditeurs, malgré leur plus grande connaissance, dit le chercheur. Je m’intéresse particulièrement à l’échange et à la connaissance dans mes collaborations. L’interaction entre l’homme et l’objet me passionne. Je suis véritablement fasciné par la manière dont l’ergonomie influence ces interactions. »

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Chercheur en la matière

Le jeune homme souhaite éveiller un sens particulier chez l’utilisateur : le toucher. Et Defrancesco l’affirme, il a choisi ce métier pour entretenir une relation sensorielle avec l’objet. « La matière est le point de départ de mon travail. Je me demande toujours comment la retravailler. Nous évoluons là où la matière évolue, à travers notamment les procédés et les nouveaux matériaux que nous utilisons. » L’assise Briket en est la preuve vivante. Sur la demande de la galerie suisse NOV, le designer a imaginé une pièce fonctionnelle alliant la sciure de bois à l’amidon de patate. Une trentaine de tests ont été nécessaires pour trouver la composition adéquate. Une réalisation que le designer compare même à de la chimie : « Le fait d’être en rapport avec la matière et de mettre les mains à la pâte m’intéresse grandement. »

Main dans la main avec les trois designers-chercheurs qui composent son équipe, Defrancesco s’amuse à concevoir de multiples prototypes en papier avant de réaliser ses objets grandeur nature. Un processus qui lui permet de comprendre comment ces derniers évoluent dans l’espace et comment leurs formes interagissent avec la lumière. « Nous expérimentons avec divers échantillons de matériaux. Notre processus de création est flexible, impliquant souvent des cycles d’essais et d’ajustements, conclut-il.

Tout en travaillant sur ses projets, le jeune homme reste ouvert à la recherche. Pour se tenir au courant des derniers matériaux réalisés dans le monde, il organise de petits ateliers en interne avec son équipe. Son objectif à long terme ? Trouver le sens de la matière assurément.