Le marbre mis en lumière

Par Marc-Alexandre Ducoté

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Focus marbre • © Atelier des Marbres

S’il est un matériau qui a fait l’histoire en Europe, celle de l’architecture et de la sculpture, du pouvoir et de la beauté, c’est bien le marbre. « Strate du temps, témoin des civilisations ; il est une esthétique de la mémoire, liant beau artistique et beau naturel », dit Pascal Julien dans son merveilleux ouvrage Marbres, de carrières en palais.

Il y a une définition géologique précise du marbre. Cependant, c’est son aspect extérieur qui lui a donné ses lettres de noblesse : autrefois, était considérée comme marbre toute pierre qui brillait lorsqu’on la polissait – marmor renvoie étymologiquement au lumineux, à l’éclat. De la Grèce à la Rome antique , du roi Louis XIV jusqu’à nos jours, il a symbolisé le luxe et le rayonnement du pouvoir.

Les carrières grecques ont peu à peu été supplantées par celles d’Italie, qui ont développé un tel savoir-faire – autour de la région de Carrare notamment – que
celui-ci s’est exporté partout dans le monde, jusqu’à maîtriser une part importante de la production et de la distribution mondiale. Le marbre blanc statuaire de Carrare est sans doute le plus connu de tous. La Chine, férue consommatrice de marbre, a développé les compétences et concurrence désormais largement l’Italie.
Pourtant, dans ce paysage mondialisé, le marbre est partout. La diversité des provenances offre une palette infinie de couleurs et motifs. Et l’histoire méconnue du marbre des Pyrénées est exemplaire à ce sujet. André Félibien, au XVIIe siècle, écrivait  : « Tous ces lieux sont pavez et enrichis de différentes sortes de marbre que le roy a fait venir de plusieurs endroits de son Royaume, où depuis dix ans l’on a découvert des carrières de marbre de toutes sortes de couleurs, et aussi beaux que ceux que l’on amenoit autrefois de Grèce et d’Italie. »*

L’Atelier des marbres, à Ilhet, remettra bientôt sur le devant de la scène les marbres des Pyrénées. Né à l’initiative du maire André Brunet et de son équipe municipale (notamment Benoît Baheu, Clémentine Gillet, et leur conseil David Martin), il ouvrira en octobre 2024 dans ce petit village de 121 habitants, au cœur de la vallée d’Aure et du Louron, avec pour ambition de devenir le lieu français de la création autour du marbre.

Car depuis 1692, du château de Versailles au grand hall de l’Empire State Building, le marbre local « Opera Fantastico » est réputé mondialement pour ses nuances de couleurs chaudes allant du rouge au beige en passant par le jaune, orange, rose, gris et vert.

L’association à l’initiative de ce projet mettra en place une résidence de designers – un jury présidé par le designer Patrick Jouin sera en charge de la sélection, un lieu de vie (café, boutique, marbrothèque, espace d’exposition), des ateliers pour les habitants et visiteurs, un sentier des marbres pour les touristes et une collaboration transfrontalière avec les marbriers espagnols.

En faisant appel à une ressource locale, les artistes en résidence participeront à relancer ce savoir-faire patrimonial et à développer une filière régionale endormie. Dans le contexte environnemental actuel, ils utiliseront en priorité les sous-produits (chutes, blocs inutilisables) de l’exploitation marbrière pyrénéenne.

Ce beau projet rassemblera un écosystème de designers, éditeurs et galeries locales et internationales, dont les éditions du coté – situées à Biarritz et prônant la fabrication artisanale de pièces de mobilier en circuit court – seront partenaires.

Gageons qu’en valorisant les marbres pyrénéens oubliés, elle mettra en lumière la beauté et la diversité de ce matériau exceptionnel, prouesse issue des forces de la nature. Car pour conclure avec les mots de Louis Anglade, dernier des grands carriers français, début XXIe siècle, « Le marbre est à la pierre ce que la poésie est à la prose », Pascal Julien.