Résidence Bouchardon, Bernard Dubois, Edgar Suites, 2023 • © Ludovic Balay
Dans la rue Bouchardon, non loin du canal Saint-Martin et de la place de la République, le groupe Edgar Suites a discrètement ouvert en décembre dernier sa onzième adresse de Suites Urbaines. Cette gamme d’appart-hôtels a su se démarquer par sa forme hybride, alliant le confort du chez-soi à celui des établissements cinq étoiles.
À chaque résidence, son architecte, et une esthétique affirmée. La Résidence Bouchardon ne déroge pas à la règle et c’est Bernard Dubois qui prend les rênes du projet. Quatorze Suites Urbaines réparties sur cinq niveaux ont ainsi été entièrement conçues et réalisées par l’architecte dans une ambiance feutrée, afin de dépayser les hôtes de l’agitation parisienne. Mêler les genres, brouiller les frontières des époques. Bernard Dubois excelle dans cet art et en fait l’une de ses caractéristiques. Piochant des références dans l’histoire de l’architecture, il réussit à les rassembler avec brio dans des projets cohérents.
Ce sont les codes du cinéma américain qui l’inspirent pour le Résidence Bouchardon. Formé à la photographie, il dévoile un regard précis qui ne laisse rien au hasard. La mise en scène des éléments est alors essentielle dans ce projet. Se concentrant sur une palette de couleurs chaudes, Bernard Dubois se penche sur le bois, principalement l’okoumé. Peu noble, cette essence est pourtant métamorphosée par un travail de teinte et de vernis. Dès le lobby, il se place comme protagoniste, avec la simplicité caractéristique de l’architecte belge. Il recouvre les murs, accompagné au sol d’une moquette verte et créant ainsi une ambiance silencieuse.
Les quatorze Suites Urbaines prolongent cette ambiance dans lesquelles le bois s’exprime de manière distincte. Dans l’une, il apparaît en lamelle comme une claustra séparant la chambre du séjour. Dans l’autre, il prend la forme d’une porte cintrée entièrement travaillée en arrondi. Dans les espaces nuit, l’essence laquée se convertit en tête de lit géométrique, s’adaptant aux différentes configurations. Chaque détail est pensé, du mobilier sur mesure, au vernis offrant une prépatine à l’espace, en passant par la lumière qui accentue les formes du projet et l’ancre pleinement dans l’imagerie cinématographique.
À cette première inspiration, Bernard Dubois insère des éléments qui évoquent les hôtels de montagnes. Deux mondes qui semblent s’opposer et entre lesquels l’architecte crée un point de rencontre qui paraît alors évident. Notamment avec le mobilier spécialement créé pour la Résidence Bouchardon qui possède cette allure robuste des meubles de chalets. À la manière de l’architecte Henry Jacques Le Même – créateur du paysage architectural de Megève –, Bernard Dubois va droit à l’essentiel dans le dessin des luminaires, des assises et des tables, trouvant dans les formes géométriques et graphiques, le moyen d’exalter le bois massif. Un éclectisme maîtrisé et en sobriété, qui invite à l’évasion.
Y avait-il une contrainte dans le choix des matériaux ?
Nous proposons toujours les matériaux en fonction de l’intention du projet. Pour l’hôtel, nous voulions créer une ambiance chaleureuse, mais relativement simple. J’ai alors eu en tête à la fois l’esprit de montagne, des lieux cinématographiques à l’américaine comme Twin Peaks et les photographies de William Eggleston. Pour moi, l’association du bois à de la moquette vert kaki correspondait à l’atmosphère recherchée pour le projet.
Avez-vous travaillé le bois sous différentes formes ?
Oui. Le bois est vraiment intéressant car il peut se travailler de multiples façons et dans les moindres détails. Pour le projet, il se décline en différents éléments d’architecture tels que des claustras, des cloisons, du mobilier, et même une porte cintrée que nous avons voulue arrondie. Ce fut une vraie prouesse pour notre menuisier de la réaliser. Ici, nous nous sommes principalement concentrés sur l’okoumé. C’est un bois qui est peu noble, mais sur lequel nous avons travaillé la teinte et le vernis, et surtout la manière de le mettre en œuvre, pour l’anoblir. De mon point de vue, cela change tout. Nous voulions vraiment créer un hôtel authentique et pour cela nous avons joué sur l’imperfection du bois, avec sa teinte et son vernis, pour préparer la future patine que le lieu acquerra avec le temps.
Avez-vous associé d’autres matériaux ?
D’un point de vue des matériaux, ce projet était relativement simple car nous nous sommes principalement axés sur le bois et la moquette avec quelques éléments de finition comme l’inox qui intervient à certains endroits. La lumière a alors été capitale. Le Corbusier disait : « L’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes sous la lumière. » Les formes arrivent à nos yeux par l’intermédiaire des rayons lumineux. Il était donc important d’être attentif à la lumière et à la mise en scène des éléments pour révéler les matériaux employés, mais aussi pour rendre les espaces chaleureux et accueillants. Cela étant particulièrement essentiel pour l’hôtel dont le but est de s’y sentir bien.
Année : 2023
Adresse : 9, rue Bouchardon, 75010 Paris
Design d’espace : Bernard Dubois
Matériaux : bois, moquette, inox
Surface : 14 suites