L’agence Gonzalez Haase AAS à l’épicentre d’une création contemporaine au coeur battant.

Mise en scène

Par Anne-Charlotte Depondt

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De nos jours, dans lesquels les idées contradictoires s’entremêlent, s’entrechoquent,se confrontent, inquiètent même, où la création en est-elle ? Devrions-nous retourner vers un passé, si admirable soit-il, figés, calfeutrés dans nos figures historiques ? Non, bien sûr. A contrario, au regard des assauts essuyés par nos chefs-d’oeuvre au sein des musées, devrions-nous oublier que l’art est le moteur de notre humanité ? Et devrions-nous non seulement faire tabula rasa des plus profondes émotions qu’il nous inspire, et ne plus les explorer non plus ? Tout porteur du dogme ou autre nihiliste, ou bien commun des mortels en quête de buzz, tous ignorent sans doute que l’art-thérapie existe. Ainsi, ne passeraientils pas tout simplement à côté de nos plus belles plates-formes consacrées à l’art, et même des matières fantastiques contenues dans les oeuvres ? En attendant, fort heureusement, la création est toujours là et plus que jamais. En témoigne l’excellent travail de l’agence berlinoise Gonzalez Haase AAS.

GENÈSE

Rien n’arrive par hasard. Et l’histoire de l’agence avant-gardiste Gonzalez Haase AAS, agence qui se consacre à l’architecture, à la scénographie et à l’éclairage, débute précisément au coeur de l’une de ces institutions artistiques, devenue prestigieuse. Certes, l’agence Gonzalez Haase AAS est fondée à la suite de la rencontre entre Judith Haase et Pierre Jorge Gonzalez, mais pas dans n’importe quel contexte. Car ses premiers travaux sont réalisés avec Richard Gluckman, architecte, et Robert Wilson, le grand artiste metteur en scène, pour le Watermill Center de New York.

QUE SOUHAITAIT JUDITH ?

Judith Haase est originaire de Brême dans le nord de l’Allemagne. À l’école de Brême, lorsqu’elle avait seize ans, un professeur d’art qui enseignait l’architecture avait évoqué le travail de Richard Neutra : c’est à partir de cette découverte que sa trajectoire devient évidente. Désormais, elle veut étudier l’architecture par le biais de l’art. En Allemagne, il n’existe alors qu’un petit groupe spécialiste, qui réside à Berlin et dont le travail est très conceptuel. Seule l’UdK (Universität der Künste) à Berlin dispense cet enseignement orienté « art », face à une école répandue en architecture à l’esprit résolument « ingénierie ». Judith fait ses études à l’UdK dans une ambiance très stimulante en matière d’interaction entre l’art et l’architecture.

QUE DÉSIRAIT PIERRE JORGE ?

Les parents de Pierre Jorge sont espagnols. Il est français, grandit en France, devient autodidacte et émerge grâce à son amour du dessin. Il s’y adonne beaucoup depuis l’enfance, et encore aujourd’hui. Le dessin est pour lui un outil de conception pour les projets. À l’adolescence, son dessin connaît une phase d’évolution. Il dessine ainsi à la fois pour gagner son argent de poche et pour passer son diplôme en dessin industriel. C’est au fameux lycée Maximilien Vox à Paris qu’il entre pour préparer un brevet de technicien en dessin, création et communication. Le BT en poche, et dans cette logique, il commence à travailler en agence de publicité. Mais il en saisit rapidement la superficialité et n’y reste que deux ans. Il prépare alors son entrée à l’École des Arts Décoratifs et est accepté puis, très motivé, il s’oriente vers la scénographie avec l’idée d’aller vers la muséographie. Il part ensuite l’été pour un stage à New York au Watermill Center. Là, il rencontre Judith qui y travaille tous les étés et qui est devenue le passeur pour l’architecture de l’artiste metteur en scène de renommée internationale Robert Wilson, une forte personnalité.

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LA CRÉATION DE L’AGENCE

C’est partir de cette expérience que Judith et Pierre Jorge créent leur agence AAS et lancent une série de projets pionniers qui seront très appréciés, avec des artistes contemporains, des conservateurs et des collectionneurs. En travaillant sur l’interaction entre la lumière et l’architecture, et en gardant cette interaction au premier plan de sa conception, AAS acquiert une réputation notoire pour ses concepts spatiaux. Son travail comprend des installations d’œuvres d’art majeures, des intérieurs de magasins de luxe conçus « en frugalité », des extensions résidentielles et des conversions d’espaces industriels liés à l’art.

PROJETS FONDATEURS

Le projet fondateur de 1999 : 001 THE WATERMILL CENTER BYRD HOFFMAN FOUNDATION / ROBERT WILSON situé à Long Island aux États-Unis est commandé par Robert Wilson et développé en collaboration avec l’architecte Richard Gluckman. Robert Wilson envisage d’emblée le vaste site de Long Island comme un centre culturel, doté d’espaces de répétition et de quartiers d’habitation. Il désire une arcade contemplative où toutes sortes de choses différentes peuvent se produire. Le bâtiment, anciennement un laboratoire de recherche pour Western Union, conserve sa fonction d’usine, mais cette usine sera désormais destinée à la production artistique. Les espaces intérieurs flexibles peuvent servir de dortoirs, de studios ou de galeries. Les axes perpendiculaires ouvrent et encadrent les vues sur le paysage et au-delà, reliant les espaces intérieurs et extérieurs. Il s’agit tout à la fois d’une usine et d’un laboratoire d’idées, un lieu où l’artiste s’empare de l’espace telle une fabrique de sa propre création, à la croisée des disciplines et en partage. Dans son travail de restructuration parcimonieuse, AAS a recourt à des matières intrinsèquement constructives comme des structures et des bardages en acier, des briques de béton et du verre clair pour capter le meilleur de la lumière naturelle. L’espace est d’ores et déjà scénographié dans un dépouillement simple, tel l’ADN, posé là, des projets à venir.
À l’issue de ce projet, Judith et Pierre Jorge s’accordent sur un retour en Europe avec l’idée de communauté. Le foncier à Paris est hors de prix. À Berlin, il y a les artistes mais peu de moyens financiers, les galeries étant ailleurs : Londres, Düsseldorf, Cologne… Ils y posent pourtant leurs valises. En 2003, ils y livrent leur projet 097 AM2 ANDREAS MURKUDIS, sorte de manifeste de leur implantation.

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Retrouvez l’intégralité de l’article dans FORMÆ #1 daté septembre - décembre 2023