Processus, #REPLICART collaboration Audrey Guimard x Maison Margiela, 2024 • © Studio Becker Design
« La pierre est la matière dans laquelle l’homme a gravé son histoire. Elle résiste à tout. » Quand Audrey Guimard investit, en 2020, les caves troglodytiques de la maison Ackerman, dans le cadre d’une résidence artistique cocréée avec l’Abbaye royale de Fontevraud, elle sculpte la matière qui somnole dans les entrailles de la Terre. Son œuvre monumentale surgit d’un assemblage de roches brutes et calcaires, de gravats et de poussières issus des anciennes carrières de tuffeau, emblématiques du Val de Loire. La pierre devient son médium, l’upcycling son modus operandi.
Scénographe autodidacte convertie à la sculpture, Audrey Guimard taille toutes sortes de pierres, pourvu qu’elles respectent sa démarche fondée sur le réemploi des matériaux. Pièces uniques, séries d’œuvres, installations artistiques…, elle s’appuie sur un réseau de carriers et de marbriers qu’elle a tissé au fil de ses projets. Dans chaque contrée où il lui est donné de s’exprimer, son processus créatif est toujours le même. Il commence par une quête de pierres qui, avec leurs fissures et défauts structurels, sont promises au remblai ou au rebut.
Cette pratique lui a valu un rapprochement, par l’intermédiaire du Studio Artera, avec la Maison Margiela, réputée pour ses collections réalisées selon les codes de l’upcycling – recyclage de matières en objets de valeur ou d’utilité supérieure. Dès 1994, le créateur
belge Martin Margiela lançait sa série Replica, imaginée à partir de vêtements chinés reproduits à l’identique. En 2006, la ligne « artisanale » composée de pièces vintages retravaillées à la main dans son atelier parisien intégrait le calendrier de la haute couture. En 2024, l’art du détournement et de la transformation infuse toujours les collections, y compris les créations olfactives de la maison.
Invitée à imaginer une sculpture-écrin pour le diffuseur Replica Lazy Sunday Morning, Audrey Guimard a exploité la blancheur et la pureté de la pierre calcaire de la région des Pouilles. La narration : la douceur d’un matin d’été enveloppé dans des draps, le lever de soleil sur les paysages minéraux des Pouilles d’où jaillit une pièce singulière qui, par un jeu de strates, convoque à la fois des fragments d’architecture locale et le drapé symbolique de la sculpture classique.
Autodidacte, Audrey Guimard n’a suivi aucune formation en sculpture. Elle a grandi au creux d’une vallée entourée de roches, puis a travaillé sur des chantiers de fouilles archéologiques au cours de ses études. C’est finalement en parallèle de ses expériences professionnelles dans le domaine de la scénographie qu’elle a instinctivement appris à modeler, tailler et assembler les matériaux. Odes à la résilience, ses créations insufflent la vie à des supports inertes. Les formes qu’elles prennent reflètent la main qui les anime, célébrant l’interaction corporelle et sensorielle avec la matière.
Diplômée d’histoire de l’art et d’archéologie, Audrey Guimard est fascinée par la beauté brute et mystérieuse des pierres, et par l’œuvre des précurseurs de la sculpture moderne, comme Constantin Brâncusi et Barbara Hepworth. À force d’expérimentations et de rencontres, elle crée des assemblages inédits, hybrides de savoir-faire multidisciplinaires : verre, métal, vannerie, faïence, design végétal, art de la rocaille… Pièce signature, le totem revient comme un objet rituel dans l’œuvre de l’artiste, empreinte de poésie. Ses structures de pierres, érigées en étendards de la nature et des civilisations, ravivent le culte du geste et des traditions ancestrales, aux sources originelles de l’artisanat.