Le mycélium constitue la structure filamenteuse végétative et souterraine des champignons. Réseau de fins filaments généralement invisible à l’œil nu, le mycélium possède la capacité de former des structures complexes, et celle de s’étendre en colonies. Élément essentiel des écosystèmes, ces tapis se développent sur de vastes surfaces, souvent sous terre où ils participent directement à la décomposition de la matière organique. L’organisme évolue en fonction du substrat duquel il se nourrit.
Dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la recherche médicale ou l’industrie, le mycélium suscite un intérêt croissant du fait de ses propriétés uniques. Il est par exemple utilisé pour produire des matériaux biodégradables et des emballages écologiques, et s’immisce également dans le champ de l’architecture et du design.
Eric Klarenbeek et Maartje Dros fondent leur studio en 2004 et engagent des recherches sur l’application de la biomasse en design. Au croisement entre l’artisanat et les nouvelles technologies, Klarenbeek & Dros s’intéressent aux matériaux et au développement de nouveaux protocoles de conception. Le duo explore les moyens d’imprimer en trois dimensions des organismes vivants combinés à des matières premières pour créer des produits à l’empreinte carbone négative.
En 2011, ils réalisent les premières impressions 3D à base de filaments de mycélium. Au lieu d’utiliser des filaments de plastique, ils accumulent des déchets issus du sol avec du mycélium. Après l’impression, la structure se développe en quelques jours. Une fois développée puis séchée, elle constitue un matériau stable et solide.
Présentée pour la première fois au Centre Pompidou en 2018, la Mycelium Chair se compose de mycélium de reishi. Mélangé à de l’eau, du chanvre et de la sciure, puis numériquement imprimé, le mycélium prolifère avant d’être desséché pour obtenir la forme désirée. Ce matériau écologique offre une grande liberté de conception et revêt une esthétique toute particulière. Sa texture convoque à la fois le monde minéral et le végétal.
Tout au long de son cycle de vie, la matière végétale produit de l’oxygène. Le processus de création repose sur des ressources et des méthodes locales et se passe de chauffe, réduisant la consommation d’énergie nécessaire à la production. Lorsque la vie de l’objet touche à sa fin, il s’avère entièrement compostable. À l’égard de ces caractéristiques, l’objet fini affiche une empreinte carbone négative. Plus économique que le plastique ou des matériaux de construction, il ne nécessite pas de transport ou d’expédition. Le mycélium vivant croît et se multiplie, constituant une ressource théoriquement inépuisable. Il s’impose déjà dans de nombreux domaines d’applications, le design, la mode, mais aussi l’architecture.
Le Pavillon belge de la 18e Biennale d’architecture de Venise met en avant le mycélium au travers d’une installation immersive imaginée par le collectif Bento Architecture. Les trois architectes, Corentin Dalon, Florian Mahieu et Charles Palliez, mettent sur pied un laboratoire de recherche afin d’expérimenter le développement de matériaux écologiques, géologiques et biosourcés. Concentrés, dans un premier temps, sur les terres crues de la région bruxelloise, ils orientent ensuite leurs recherches vers les usages possibles du mycélium et leur application dans le domaine de l’architecture.
L’équipe se rapproche des entreprises d’économie circulaire et rencontre PermaFungi, cultivateur des pleurotes au marc de café dans les sous-sols de Tour & Taxi, un ancien et vaste site industriel bruxellois. Elle intègre aussi le Fungal FabLab à Bruxelles, qui développe les recherches autour du mycélium.
Enrichi de connaissances et associé à un scénographe, une anthropologue et un microbiologiste, le collectif intègre la matière vivante au champ de la construction.
In Vivo met l’accent sur l’expérimentation de cette matière vivante par le biais d’une matériauthèque. La scénographie offre aux visiteurs une expérience immersive, les plongeant dans les potentialités du mycélium en tant que matériau vivant de construction novateur.
Fixés sur l’ossature en bois, provenant de la forêt de Soignes, 640 panneaux rigides produits par PermaFungi se déploient dans une déclinaison de productions mycéliennes cultivées en caves. Ce mycélium est mélangé avec du marc de café et de la paille. Des cuirs fongiques ont également été réalisés en partenariat avec la Vrije Universiteit Brussel (VUB). Un incubateur en Plexiglas produit, à partir des copeaux de bois récupérés lors de la construction même du pavillon, le mycélium nécessaire durant toute la vie de l’installation.
La structure est délimitée au sol par une dalle de terre composée d’excavations de chantiers de construction remployées, mettant en avant dans une démarche de valorisation de ressources les filières de productions locales.
Dans le cheminement du parcours muséographique, le visiteur invité à l’interaction avec ces matériaux se trouve plongé dans une expérience sensorielle, tactile et auditive. Les panneaux de mycélium présentent des teintes chaudes et ocre qui créent une ambiance chaleureuse tout en réduisant la réverbération naturelle à l’intérieur du pavillon. Les modules possèdent des qualités phoniques et acoustiques. Les reliefs en filaments offrent une texture douce au toucher. Le collectif Bento, à travers l’installation vénitienne, se donne pour objectif de dresser un état des lieux des initiatives d’usage du mycélium dans la région de Wallonie-Bruxelles. Conscients des possibilités offertes par cette matière vivante dans le domaine de la construction, les architectes visent à structurer une filière belge, en collaboration avec des acteurs locaux.