Recyclage textile

Par Stéphanie Marin, fondatrice de smarin design studio

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• Les choses • © smarin design studio

L’industrie du textile a un impact majeur par son intensité extrême, elle est responsable d’un épuisement de ressources et des terres, de pollution massive des eaux et de l’air, de la surexploitation de travailleurs en grande précarité, d’émissions de substances toxiques pour les écosystèmes et l’Homme.

Aujourd’hui, seulement 10 % des textiles jetés par an sont recyclés pour de la seconde main, en cause la qualité de plus en plus mauvaise de nos vêtements. Leur réutilisation et/ou revente devient de plus en plus compliquée. Ainsi, même en achetant du neuf, nous consommons et produisons des textiles-déchets qui participent à une pollution plastique à impacts socio-économique, sanitaire et environnemental. En effet, en se dégradant en microfibres et nanoplastiques cellulosiques et synthétiques, ces particules peuvent pénétrer dans la peau, être ingérées et inhalées. Qu’ils soient pétrosourcés, biosourcés ou biodégradables, leurs propriétés sont souvent augmentées par l’ajout d’addi-
tifs : retardateurs de flammes, stabilisateurs, colorants, renfort, etc. Ces polluants organiques persistants (POP), substances chimiques cancérigènes et métaux sont retenus par les microplastiques. Finalement ce sont plus de 7000 particules / 50 m3 impa-
ctants notre santé et notre environnement qui se retrouvent dans nos intérieurs.
Ce constat appelle à une créativité de la simplicité, matériaux purs, peu ou pas transformés, naturels, sains. Une désescalade du textile technique et complexe.

L’ère actuelle témoigne d’une transformation profonde : l’évolution de l’Homo economicus en Homo detritus. Cette mutation souligne une urgence non seulement environnementale mais aussi culturelle et sociale : repenser notre rapport aux objets, à leur cycle de vie, aux modalités de nos échanges. L’équipe smarin, dont je fais partie, travaille à remettre en question les habitudes les plus répandues, les plus banalisées. Il s’agit d’oser penser la pensée comme un agir. Entre nous, nous parlons de « nowtopia », situation où le réalisme ne paralyse pas l’action.

L’objet nous intéresse en tant que processus.
L’objet ordonne en chorégraphie les flux, le travail, les comportements, et les échanges. Développer un objet participe à donner un peu forme au monde. Le choix des matériaux définit un paysage d’extraction et les transports. L’échelle de production conditionne la forme du travail, et par là les conditions de vie des travailleurs impliqués. On impose un comportement par l’usage de cet objet : sa solidité, sa praticabilité, sa jouabilité, son pouvoir de distinction ou d’exclusion. Ainsi se développent sans fin une manière d’entrer en relation, de produire des échanges, un réseau de consommation, un marché. L’objet génère le monde de nos déchets, qu’il faut pouvoir transformer à nouveau, pour maintenir un équilibre.

Les actions de recyclage encouragent de meilleures pratiques de consommation et prennent une part active à la transition écologique.

Au niveau global, on cherche à diminuer la production des matériaux industriels peu coûteux, les plus classiques mais aussi les plus toxiques, et dont les pratiques de recyclage ne peuvent juguler ni la quantité ni la toxicité. Les 20 dernières années ont vu cette masse de production doubler, d’où l’importance d’entretenir l’envie de recycler mais aussi de créer et recycler à partir de matériaux de très bonne qualité.
Afin de ne pas encourager de manière insidieuse la surproduction morbide, et au contraire, permettre l’économie de productions à partir de matériaux nobles dont l’usage mutualisé sur plusieurs temps et projets pourrait ainsi se répandre largement.

Le recyclage pour ne pas se ranger dans les « fausses bonnes idées » doit s’accompagner d’une créativité de la RÉDUCTION et construire son rempart à l’effet rebond.

Dans notre recherche constante d’expérimentations et d’inventions collectives, nous avons conçu et performé des moments d’ateliers ouverts à tous, les Design Sessions.
Ces sessions sont l’occasion de se rassembler, de partager des techniques, d’échanger sur des savoirs, d’enquêter sur des problématiques, et parfois même, de produire un projet ensemble.