Pour Jacquemus, l’agence OMA/AMO signe un intérieur de boutique alternatif qui invite à l’expérience du calme. Décryptage.

Soft touch

Par Laurent Catala

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OMA/AMO ET JACQUEMUS : LA MATIÈRE AU SERVICE D’UN DESIGN « PROVENÇAL POP »



L’utilisation de matières naturelles et écologiques dans des projets de design intérieur donnant toute sa prévalence au matériau trouve sa parfaite illustration dans la récente collaboration entre l’agence d’architecture OMA/AMO et la marque de prêt-à-porter de luxe Jacquemus. Trois boutiques de l’enseigne (deux à Londres et une à Paris) ont ainsi été mises à contribution pour exprimer la vision très « provençal pop » de la référence du luxe abordable.

Agence majeure du paysage architectural, OMA/AMO aime explorer de nouvelles perspectives esthétiques de design intérieur autour de projets donnant la priorité aux biomatériaux et à leur traçabilité écologique. Les designers Ellen van Loon et Giulio Margheri sont particulièrement investis dans cette approche innovante qui permet de nouvelles mises en scène de boutiques, showrooms et autres espaces d’exposition. Ils ont notamment exprimé leur talent pour des marques d’accessoires et de vêtements comme Tiffany & Co et Off-White, ou encore lors de la dernière Milan Design Week, dans une installation commandée par le grand fournisseur de pierres naturelles SolidNature, mettant justement en avant le processus de formation de ce matériau millénaire. L’exemple le plus récent réside dans la collaboration entre les deux designers d’OMA/AMO et la marque de prêt-à-porter de luxe française Jacquemus. Les boutiques des grands magasins Selfridges et Harvey Nichols de Londres, ainsi que celle des Galeries Lafayette à Paris, ont été choisies comme terrain d’expérimentation de matériaux soigneusement sélectionnés pour leurs qualités naturelles, scénographiés ou appliqués à la main dans cette perspective, et qui permettent de rendre un hommage quasi filial aux origines provençales de l’enseigne fondée en 2009.

« Nous avons travaillé au plus près dans cette direction avec Simon Porte Jacquemus, le fondateur de la marque », explique Giulio Margheri. « Nous avons retenu le terme de “provençal pop”, car nous trouvions que c’était effectivement la meilleure manière de décrire l’essence de Jacquemus : un mélange de Sud de la France, relatif aux origines de la marque, et du caractère “pop” de ses produits. »

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« Nous avons retenu le terme de “provençal pop”, car nous trouvions que c’était effectivement la meilleure manière de décrire l’essence de Jacquemus : un mélange de Sud de la France, relatif aux origines de la marque, et du caractère “pop” de ses produits. »
Giulio Margheri, senior architecte, OMA/AMO
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PRÉVALENCE DE LA MATIÈRE SUR LE DESIGN



Le point essentiel du projet se situe dans la prévalence accordée aux matières retenues sur le design formel qui oriente généralement le choix de ceux-ci. « Pour bien saisir cette dualité, nous avons inversé le processus créatif », précise donc Giulio Margheri. « Au lieu de travailler la partie design en premier, et de choisir les matériaux ensuite, nous avons laissé les matériaux définir les orientations par leur présence dans l’espace. Nous avons donc exploré une palette de matériaux afin de capturer l’atmosphère de la Provence. Dans la boutique de Selfridges, nous avons utilisé du Terracruda, un matériau céramique typique de la Provence. Dans la boutique d’Harvey Nichols, nous avons employé du calcaire. Et dans le magasin des Galeries Lafayette, l’utilisation du lin s’est traduite par un agencement d’intérieur entièrement fait de coussins moelleux, en référence à l’esthétique du linge de maison du Sud de la France. »

Derrière cette primauté du matériau, l’idée directrice a été de favoriser l’éclosion d’atmosphères à la fois spécifiques et subtiles. « La disposition et les caractéristiques particulières de chacune des boutiques ont bien sûr eu une influence sur l’atmosphère que nous voulions y créer », poursuit Giulio Margheri. « Par exemple, la disposition “shop-in-shop” de la boutique des Galeries Lafayette – c’est-à-dire sans fenêtres ni accès à la lumière du jour – nous a conduits à réfléchir à un environnement de chambre à coucher entièrement fait de coussins. Cela donne une dimension cocooning et une atmosphère générale relaxante qui invite les clients à prendre leur temps et à flâner autant qu’ils le souhaitent dans ce décor. » Des éléments de composition immersifs qui permettent à l’arrivée de traduire les limitations physiques de l’espace en réelles opportunités de design.

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Année : 2022
Adresses : Paris, Londres
Design d’espace : Ellen van Loon et Giulio Margheri avec Camille Filbien, Valerio Di Festa et Mattia Locci
Matériaux : Tissus, terracruda et roche calcaire
Surfaces : Entre 60 et 83 m2