Amphora I, Theo Galliakis, 2021 • © Theo Galliakis
À travers ses pratiques, la jeune garde du design s’exprime sur le monde qui l’entoure, sa vision du futur et des ressources. À l’image de la dynamique de notre époque qui glorifie l’autonomie et la polyvalence, leur métier évolue : de la conception à la promotion de leurs pièces en passant par la maîtrise de la chaîne de production.
Sous la curation du collectif Meet Met Met incarné par Jean-Baptiste Anotin et Thibault Huguet, l’édition 2024 de la Paris Design Week présentait un pool de talents de la jeune garde française et européenne.
Plusieurs esthétiques s’y mêlaient : techniques, industrielles, oniriques… Une chorégraphie sensible où les savoir-faire, les matières et les formes se répondent parfois et se confrontent souvent pour offrir un panorama de la nouvelle garde du design. Retour sur une sélection de designers.
Diplômé en Expression plastique des Beaux-Arts de Saint-Étienne, Jean-Baptiste Durand est à la fois designer et céramiste. Son parcours s’exprime dans sa vision du design à la croisée des chemins de l’architecture et la scénographie, du mobilier à l’objet non utilitaire, d’un savoir-faire ancestral à technologique. Non-conformiste dans son approche, il explore les possibilités de l’expression créative sans se confiner à un univers. À la suite d’une rencontre avec Simon Geringer un an auparavant lors de la Paris Design Week, naît Cheval 23 (cheval deux trois), fruit d’une collaboration entre les deux designers. Ils présentent lors de la Paris Design Week 2024 l’exposition FOD : Foreign object debris, écho à tous types de substances, débris ou éléments pouvant causer un dommage à un aéronef.
Le fauteuil « Spring Series, green nascar edition », s’inscrit dans une série d’assises qui tire son inspiration des langages esthétiques des sports mécaniques, de l’alpinisme ou encore des équipements outdoor. Des détails de ces univers sont extraits, réassemblés, amalgamés formant une image autour de laquelle il est possible de tourner. Si l’origine de ces objets est l’amortisseur (spring) et est un clin d’œil au mobilier fonctionnel, il n’y a dans cette collection aucune velléité ergonomique. Dès lors, les pièces qui s’apparentent à du mobilier n’ont pour intention que de présenter des formes et des images.
Né et élevé en Crète, Theo Galliakis termine son master en architecture à l’université Aristote de Thessalonique en 2018. Cinq ans plus tard, il obtient un deuxième master en Geo-Design à la Design Academy Eindhoven. Après plusieurs années dans des agences renommées, il s’installe entre la France et la Grèce. À travers son travail, qui s’exprime sur un large éventail d’échelles et de typologies, Theo Galliakis met l’accent sur la spiritualité et la transformation matérielle.
« L’expression simple d’une pensée complexe » (rf. Donal Judd) catalyse le travail de Theo Galliakis. Amphora est une ode au monde d’excès d’aujourd’hui. Écho aux amphores en or offertes aux divinités dans la Grèce antique, elles témoignent de l’admiration et demandent des faveurs. Fabriquées en inox, acier, aluminium et cuivre, les amphores « pretend-to-be-gold » sont pensées comme des offrandes au panthéon contemporain.
Après une formation de designer industriel et plusieurs années dans de grandes agences de design, Thibault Huguet crée en 2020 son propre studio, il travaille pour de grandes marques et studios d’architecture pour lesquels il conçoit des pièces de mobilier et objets spécifiques. En parallèle, il collabore avec de nombreux artisans belges et français sur ses propres créations. Attaché à la relation avec le design et les métiers d’art, il transmet son expérience et sa vision aux étudiants de l’école Boulle où il enseigne. Il fonde en octobre 2022 le collectif Meet Met Met et intègre en 2024 Zaventem Ateliers, sous l’égide de Lionel Jadot, à Bruxelles.
La Lampe #1, fabriquée en France par l’Atelier François Pouenat, entre officiellement dans les collections du Mobilier national en 2024. Entre esthétique industrielle et construction artisanale, via une base constituée d’angles en U et en L, le luminaire s’ancre dans une logique d’économie de moyens et de ressources en utilisant des composants standards de l’industrie.
Artiste et designer basé à Marseille, Louis Lefebvre met en lumière à travers son travail les matières locales négligées. Il s’inspire des environnements délaissés ou accidentés qu’ils soient urbains ou locaux. Son travail de la matière détourne les pratiques artisanales et les savoir-faire ancestraux leur donnant forme dans des œuvres entre l’objet fonctionnel et la sculpture plastique. La laine, travaillée à la main, est à la fois un élément spatial et sculptural.
Sa première collection, Toisondrift, invite à une relation sensorielle à l’objet. Elle propose une chaise, un siège et une lampe, avec la volonté de se décliner vers une multitude d’objets recouverts de laine brute de brebis. Cette laine, provenant du Pays basque et jetée chaque année après la tonte, a la particularité de ressembler à du poil et de présenter de nombreuses variations de couleur. Couvertes de cette laine, les pièces du quotidien appellent au toucher et à la relation à une matière qui uniformise et brouille les pistes entre l’objet, l’animal et l’humain.
Formé à l’ESAD de Reims et à la Design Academy Eindhoven, Lucas Sabas développe une approche multidisciplinaire allant de l’objet à l’installation. À la croisée entre l’art et le design, il poétise et réinterprète les procédés industriels directement liés à son histoire personnelle et ses racines familiales. Fortement attaché à son héritage, les matériaux et les symboles liés à la mécanique automobile jouent un rôle central dans ses créations. Au-delà de la pièce sculpturale, c’est aussi le rôle du mécanicien dans le design qui est raconté à travers ses pièces. L’art et le design sont alors des créateurs de liens entre les différentes classes sociales.
Fabriquée manuellement par thermoformage, la Thermoforming Chair est une pièce unique constituée de feuilles de métal de 1 et 2 mm et travaillée à la manière d’un carrossier automobile. Dans cette industrie, le thermoformage est utilisé pour générer des formes qui sont par la suite peintes afin de créer des gammes de couleurs et visualiser comment la peinture se comporte sur un objet en relief. Hommage à ce procédé industriel, cette pièce détourne le principe du thermoformage afin de donner aux feuilles de métal les caractéristiques d’une chaise.