Cocoon Cabinet, Marlene Huissoud • © Thomas Chene
Fondés il y a déjà plus de 30 ans, les Grands Prix de la création de la Ville de Paris continuent à servir leur mission : célébrer l’excellence et l’innovation dans les domaines du design, des métiers d’art et de la mode. Des valeurs cristallisées depuis trois décennies, mais qui, à l’image des disciplines qu’elles célèbrent, se doivent d’évoluer avec leur temps. « Cette année, nous sommes particulièrement heureux d’annoncer la création du Prix Accessoires Bijoux. Créé en partenariat avec Francéclat, il permettra de récompenser les projets de bijouterie et de joaillerie, un savoir-faire parisien emblématique. Autre nouveauté : le Prix Émergent devient le Prix Révélation et le Grand Prix devient le Prix Engagement.
Ces évolutions permettront non seulement de valoriser des talents artistiques et créatifs, mais aussi d’encourager les démarches entrepreneuriales innovantes qui répondent aux enjeux sociaux et environnementaux d’aujourd’hui », détaille Nicolas Bonnet-Oulaldj, adjoint à la Maire de Paris, chargé du commerce, de l’artisanat, des professions libérales et des métiers d’art et mode. Un point de vue partagé par la directrice des Ateliers de Paris, Lauriane Duriez, ne manquant pas de nous rappeler que les questions de durabilité et de transmission du savoir-faire sont essentielles à la pérennité de ces univers créatifs.
« Le designer tient un rôle capital : il est celui qui apporte des réponses à notre époque. »
Les lauréats de cette édition 2024 ont démontré la diversité des points de vue dans ces univers créatifs, en apportant des réponses d’une grande variété. Dans la catégorie Design, dont le jury était présidé par Constance Guisset, c’est la clarté de la direction empruntée par les designers et leur capacité à se projeter vers l’avenir qui leur a permis d’attribuer respectivement le prix Révélation à Wendy Andreu, et le Prix Engagement à Marlène Huissoud. Cette dernière articule son travail créatif autour d’un univers défini : celui du monde des insectes, qu’elle célèbre à travers la création d’habitats leur étant dédiés, mais aussi en étudiant les déchets qu’ils produisent, et leur utilité. « J’ai grandi dans une famille d’apiculteurs dans les Alpes, en pleine nature. Je me suis, très jeune, nourrie de cet environnement et il m’a évidemment marqué. (Aujourd’hui) mon principal client reste l’insecte. Je cherche à lui donner une voix, à souligner sa présence dans le monde. »
Un engagement à leur échelle qui convainc le jury, récompensant en parallèle le travail innovant du textile produit par Wendy Andreu. Dans sa démarche, pas de tissage ni de tricotage, mais une méthode inédite : le collage. Une technique qui s’adapte aussi bien aux projets 2D que 3D, et qui se distingue par l’absence de gaspillage dans la production d’un objet. Ici, tout est utilisé. « Je n’ai jamais appris à travailler le tissu, j’ai dû contourner mon manque de savoir-faire en utilisant notamment des outils inattendus souvent importés d’autres métiers : couteaux de jardinier, peignes à chien… Mes deux cursus m’ont permis d’aller vers la nouveauté, au-delà de l’existant, en appréhendant les gestes artisanaux à travers la recherche, en repensant ces techniques immuables par le prisme de l’innovation », déclame la jeune designeuse, courtisée pour enseigner à l’École Boulle. Son approche séduit le jury, qui se trouve également intrigué par son travail plus récent sur le verre, s’orientant une nouvelle fois autour de la question du gaspillage et des solutions pour l’éviter. C’est au Cirva (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques), à Marseille, qu’elle se rend cinq semaines par an pour apprendre à travailler et transformer cette matière.
Dans la catégorie métiers d’art, les prix Révélation et Engagement se sont vus décernés à deux designers s’apparentant avant tout à des chercheurs. D’un côté, avec Antonin Mongin, le travail du cheveu comme matière à création, de l’autre le phénomène de symbiose dans le vivant. « Nous avons été impressionnés par le très bon niveau des projets proposés et l’engagement de l’ensemble des candidats. Le choix a donc été difficile. Cependant, les dossiers d’Antonin et de Tony se sont détachés. Ils ont comme point commun d’avoir une approche centrée sur la recherche. Ils font un pas de côté et c’est passionnant. Antonin développe un savoir-faire incroyable autour du cheveu et va encore plus loin avec sa fourrure végétale.
Tony accorde sciences et techniques traditionnelles pour réinventer l’univers du tissu. La qualité de ses teintures avec des micro-algues est incroyable. Leurs innovations ont de formidables potentiels et c’est ce que nous avons voulu récompenser », déclamait à leur sujet la présidente du jury, Chloé Nègre. Une récompense qui vient saluer deux regards neufs, plaçant leur recherche au centre de leur acte créatif pour penser un futur différent, où la fourrure est fausse et durable, où une matériauthèque peut respecter l’environnement dans son entièreté. Des Grands Prix de la création qui ouvrent grand la porte à l’avenir.