Southern Skies, Leather Lies, VOTO XO • © Emma Tholot
Les projets et collaborations de prestige se bousculent dans le portfolio de ce jeune studio. En deux années d’existence, Voto XO, porté par Madeleine Oltra et Angelo de Taisne, a déjà laissé son empreinte sur le design français. Deux créatifs, elle designeuse, lui architecte, formés entre Eindhoven et Paris, qui débarquent sur la scène design en 2022 avec une installation présentée à la Design Parade de Toulon. Sardine Sardine – articulé autour de l’univers du camping – fait mouche, et alors que leur studio n’est pas encore né, ils deviennent les lauréats de l’édition 2022 du prestigieux événement. Un premier succès qui cristallise l’existence de ce duo créatif par la naissance de Voto XO. Un nom énigmatique qui fait directement écho aux ex-voto, locution latine faisant référence aux objets païens ou sacrés, réalisés à la main, permettant la matérialisation d’un vœu par leur placement dans un lieu précis. « Ces objets sont créés avec une attention et une intention mises dans leurs formes, leur création, leur placement. Cette notion guide notre pratique, c’est cette philosophie que nous désirons infuser dans nos projets », raconte le duo, d’une seule voix. Le XO apporte quant à lui une touche de légèreté, référence à la signature d’une lettre dans l’anglais vernaculaire, inscrivant leur travail dans un temps contemporain.
Ces valeurs si chères à Madeleine et Angelo viennent alors s’inscrire dans la totalité de leurs projets, déjà nombreux, et d’une très grande diversité, faisant appel à plusieurs disciplines. Architecture, design d’intérieur, design d’objet, scénographie, dans la pratique de Voto XO les murs tombent et les projets s’appréhendent avec une approche globale, totale, toujours à deux têtes et quatre mains. « Pour nous, tout est interconnecté, rien ne peut survivre dans des cases fermées. L’univers du design est un monde très poreux, qui a besoin de se nourrir de pratiques différentes pour exister. Il faut laisser libre cours à son imagination pour pouvoir raconter une histoire. »
La notion de narration est omniprésente dans le discours des deux créatifs. Dès leur premier projet, Sardine Sardine, l’écriture d’un scénario se place au centre de leur démarche créative. Ils imaginent alors un monde articulé autour de l’univers du camping, se présentant comme un hommage aux rituels lui étant inhérents. « Nous voulions raconter une histoire, imaginer un projet total qui s’étende de la structure, ici une tente, à la lumière y pénétrant, en passant par la création de mobilier, et les moindres détails de ce récit, à l’image de la vaisselle en métal. Chaque nouveau projet est pour nous une nouvelle histoire à raconter. » Après le camping, de retour à Toulon en 2023, ils plongent dans l’univers de l’apiculture avec Melitosfex. Encore une fois, la notion de récit total est omniprésente dans cette scénographie qui s’articule autour du monde des abeilles, mais aussi des matières le composant, à l’image de la cire. Pour Madeleine et Angelo, créer un espace bien raconté est une nécessité. La notion d’immersion se fait donc centrale dans leur pratique, invitant les personnes interagissant avec leurs créations à lire cette histoire à travers leur propre regard, leur interprétation unique. « Créer une installation immersive, c’est aussi une manière de plonger dans un moment hors du temps, un univers fictif ou réel, mais en tous les cas une parenthèse dans laquelle on s’immerge pendant un temps donné. Notre désir est de raconter une histoire en volume », confie Madeleine Oltra.
Pour donner vie à ces histoires, la matière est capitale à la pratique du duo Voto XO. Dans certains projets, elle va permettre de donner vie au récit, tandis que dans d’autres elle sera le point de départ de toute l’histoire. Cette vision impose également une part importante de recherche à leur travail. Dans le cas de Melitosfex, c’est la cire qui les intrigue et les inspire. Ils ne connaissent rien à cette matière et décident alors de l’étudier, de comprendre ses diverses applications, le champ de ses possibles. La matière se dévoile alors, révélant ses textures, ses odeurs, ses formes, découlant enfin en un projet total, en l’écriture d’un scénario. Pour Angelo et Madeleine, impossible de parler de matière sans parler des artisans avec qui ils collaborent au quotidien. « Sans eux, rien ne serait possible. Le travail de la main ne devrait jamais être invisibilisé. »
Récemment, c’est le cuir qui se retrouve au centre de leur pratique dans le cadre du projet les Aliénés, porté par le Mobilier national. « Nous avons eu la chance d’être sélectionnés pour transformer un paravent, objet déclassé par le Mobilier national. À cette même période, nous avons récupéré un stock de cuir des années 60, et nous avons donc décidé d’utiliser cette matière pour lui donner une seconde vie. Ce travail a été réalisé en collaboration avec Relax Factory, un artisan du cuir installé à Marseille, qui nous a appris à connaître et façonner cette matière. Le travail créatif ne peut qu’aller de pair avec le travail de la main, nous ramenant à notre idée de départ : l’ex-voto, l’intention et l’attention portées à l’objet. »