Exposition « Listening Touch », Yasmin Bawa, 2023 • © Margaret Flatley
C’est dans une ancienne usine de fil ardéchoise que la sculptrice Yasmin Bawa a élu domicile. Après des études de mode à Londres puis un début de carrière à Stockholm, la jeune femme a trouvé refuge dans le sud de la France, bien loin de l’effervescence citadine. Elle façonne de ses mains habiles des sculptures à la chaux où le chanvre a pris possession de la matière. À travers ses objets décoratifs et ses pièces de mobilier, la créatrice raconte des récits emplis de poésie.
Ses maintes expériences dans la mode ont eu un réel impact sur son travail, comme la superposition des matières pour arriver au résultat escompté. Selon elle, le design et la mode vont de pair : « Il n’y a pas de différence entre mon approche du design dans la mode et mon approche de la sculpture », affirme-t-elle. Véritable globe-trotter, ses nombreux voyages lui ont permis d’ajouter une certaine profondeur à son procédé de création : « La nature transitoire de ma vie m’a inculqué un sens de l’adaptabilité et de la résilience. »
La sculptrice a toujours été fascinée par les propriétés du béton, cependant l’empreinte carbone que ce matériau génère ne l’intéressait guère. Quelques mois après avoir commencé à le manipuler, la jeune femme abandonne cette matière toxique et polluante pour se concentrer sur une alternative à base de chanvre qu’elle réalise en collaboration avec une entreprise spécialisée. Grâce à cette substance innovante à base d’argile, de chanvre et de liant de chaux, Yasmine Bawa tend vers une production plus respectueuse de l’environnement. Dans son travail, la créatrice laisse parler également la couleur : rouge, jaune, bleu… De multiples pigments naturels habillent chacune de ses créations. Une manière, selon elle, de raconter de nouvelles histoires.
Pour la réalisation de ses objets sculpturaux, Yasmin laisse son imagination prendre possession de ses mains et non l’inverse. Cette approche favorise une relation unique avec le matériau, qu’elle est la seule à maîtriser. Dans ces moments, rien d’autre n’existe autour. Prendre son temps…
Voilà le credo de Yasmin Bawa. « Chaque pièce raconte une histoire, explique la sculptrice, celle des qualités inhérentes au matériau, de mon intention artistique et, parfois, des surprises inattendues qui surgissent au cours du processus de création. »
À y regarder de plus près, les créations de Yasmin dévoilent une certaine vulnérabilité. Comme des corps nus se dévoilant sous nos yeux.
De par leurs formes courbées, les sculptures de la jeune femme amènent celles et ceux qui les côtoient à se reconnecter avec son propre corps. « L’interaction des espaces positifs et négatifs reflète la nature dynamique de la féminité », poursuit Yasmin. Comme en témoignent le bloc Legs et la suspension Innra. Semblables à un puzzle organique, les pièces à la chaux de chanvre s’assemblent pour donner vie à de nouvelles créations fonctionnelles. Une possibilité qui amuse la sculptrice.
Designeuse, certes, Yasmin Bawa a déjà porté sa casquette de décoratrice d’intérieur pour l’hôtel Corazon, à Majorque, mais aussi pour la rénovation de sa maison où l’art part à la rencontre de la fonctionnalité. Pour célébrer sa nouvelle vie en Ardèche, la créatrice imagine également de nouvelles œuvres s’inspirant de la nature qui l’entoure, l’occasion d’expérimenter de nouvelles matières en lien avec la chaux et le chanvre. Ici, la beauté imparfaite prend alors tout son sens. Affaire à suivre…