Wrapped structure, Diorama • © Diorama
Le textile a toujours été un terrain propice à l’innovation, mais l’évolution n’a jamais été aussi rapide qu’avec l’émergence récente du digital textile et des digital fabrics. Fusionnant design numérique, manufacturing 4.0, intelligence artificielle et savoir-faire textile, cette révolution technologique bouscule les codes de la création et ouvre de nouveaux horizons aux designers, architectes et créateurs. Ce qui a débuté dans la mode et les jeux vidéo s’étend aujourd’hui à d’autres secteurs créatifs, transformant le digital textile en une réponse aux défis contemporains : personnalisation, durabilité et innovation.
Plus qu’une simple technique, c’est un mouvement qui redéfinit la manière dont nous concevons, produisons et interagissons avec les tissus. Si en France il est à ses prémices, d’autres pays ont saisi son potentiel, notamment en Chine où Isabelle Pascal a plongé au cœur de cette révolution textile.
Impossible de dissocier la mode du textile et c’est pourquoi le digital a trouvé son premier terrain d’exploration dans ce secteur. Pauline Cheung, designeuse textile et experte en matériaux innovants, l’affirme : bien qu’il n’existe que depuis une dizaine d’années, il connaît une croissance exponentielle, bouleversant l’industrie et la chaîne de production.
Parmi les acteurs qui marquent cette révolution, l’entreprise américaine Unspun se distingue avec sa machine de tissage 3D, Vega™. Cette technologie brevetée crée des jeans sur mesure à partir de fil, en quelques minutes, sans surplus ni déchets, optimisant la production pour une mode circulaire et durable.
La société chinoise NAO va plus loin avec son logiciel de tricotage circulaire, créant des tissus en accéléré, avec une visualisation en temps réel et une automatisation des fiches techniques, optimisant la production pour des secteurs allant de la mode à la médecine.
En Europe, Byborre propose un outil novateur, Create™, qui permet de concevoir des textiles personnalisés à partir de fils certifiés, tout en mesurant l’impact environnemental des choix de design. L’entreprise a même collaboré avec la marque de mobilier Sancal pour développer le tissu innovant Fiesta, illustrant comment le digital textile s’intègre désormais dans d’autres domaines créatifs.
Après avoir révolutionné la mode, le digital textile s’attaque donc désormais au design. Lors de la Paris Design Week 2024, Gaspard
Fleury-Dugy a exploré ses potentialités via la maille 3D avec son projet Soft objects. Fruit d’une collaboration avec Coline Harlay, lauréate de la Bourse Jeunes Créateurs 2023 de Sisley, il conçoit d’étonnantes sculptures, des vases de toutes dimensions, à travers un casque à réalité augmentée.
Il détourne ainsi les techniques de tricotage 3D, réservées à la mode, devenant de véritables outils de construction et brouillant les limites entre le physique et le virtuel pour inviter à de nouvelles matérialités.
La limite entre le réel et le digital est un sujet qui attire la curiosité de nombreux créatifs. Le studio franco-milanais Diorama, fondé par les architectes Gilberto Bonelli et Gianni Vesentini, s’y penche en bousculant les méthodes de prototypage traditionnelles. Désormais, les tissus sont conçus dans le métavers, où design, performance et préférences des consommateurs peuvent être testés avant de prendre forme dans le monde réel.
Après des collaborations avec des références du textile comme l’éditeur Lelièvre, Diorama innove en travaillant avec Caulaincourt, fabricant de sneakers, ou encore le studio d’architecture Lunno. Récemment, ils ont uni leurs forces avec la plateforme chinoise Output, qui crée des ponts entre la réalité augmentée et le monde physique, facilitant un dialogue créatif et pluridisciplinaire. Artistes et designers du monde entier s’y retrouvent avec un objectif commun : créer des textiles virtuels aussi réalistes que possible. Cela se concrétise notamment à travers des films 3D, comme la collaboration entre le designer Vincent Schwenk et la marque UGG pour la collection printemps-été 2022, explorant les rendus textiles virtuels avec des animations. De même, le studio Tomaszewicz et la créatrice Martina Spetlova ont animé des vêtements et des textiles ludiques, dévoilant des surfaces inattendues qui soulignent
la qualité exceptionnelle des pièces
en cuir réelles.
Le digital textile entraîne une véritable révolution créative, à l’image de l’impact du BIM en architecture. Là où autrefois, on passait du physique au digital pour modéliser, c’est aujourd’hui le digital qui façonne le monde physique, offrant au textile une infinité de possibilités et annonçant l’avènement des digital native fabrics.