Le sens de l’hospitality.

Jessica Mille

Par Juliette Sebille

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Matsuri, Jessica Mille, Paris, France, 2025 • © Ludovic Balay

Voilà trois ans que Jessica Mille façonne des univers qui semblent tout droit sortis d’un film. Son style visuel cinématographique, imprégné de la magie du narratif et de l’énergie des villes, transforme chaque lieu en expérience singulière et immersive.

À première vue, l’architecture hospitalière et l’hospitality sont deux mondes à part. Bien que leur raison d’être soit différente, ces deux domaines partagent la même racine étymologique et auraient beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Et pour cause, le premier s’adresse à des patients et le second des clients, mais ils visent un même facteur de réussite : le bien-être.

Quand Jessica Mille laisse derrière elle sa spécialité d’architecte en milieu hospitalier et médico-social pour fonder sa propre agence, elle entretient cette sensibilité à la sensorialité qui lui permet d’appréhender l’hospitality avec brio. Reconnue pour son appréciation des formes, de la lumière et des matières, elle compose avec la rigueur technique des établissements recevant du public pour insuffler une touche d’audace et de chaleur dans chacun de ses projets. Elle couvre un large éventail de travaux, de la résidence privée aux bureaux et espaces événementiels, mais œuvre particulièrement dans le fooding. Parmi ses fidèles, son agence compte les enseignes françaises de cuisine italienne Gruppomimo, les coffee shops Noir et les boulangeries-pâtisseries Liberté.

MISES EN SCÈNE IMMERSIVES
Si les codes de l’Art nouveau – courbes organiques, ornementations végétales, noblesse des matériaux, esprit japonisant ou antique – nourrissent son imaginaire avec un œil rétro-pop, Jessica Mille met un point d’honneur à transcender l’ADN derrière chaque marque. « Je cherche à aller au-delà du brief, à proposer des univers suffisamment immersifs pour susciter des expériences mémorables, sans trahir leur essence. Tout est question de justesse », souligne l’architecte. Un jeu d’équilibriste qu’elle a récemment illustré à l’occasion du revamping du restaurant Matsuri, encapsulant les symboles et traditions tokyoïtes dans un décor inspiré du Shinkansen (ndlr – TGV local), en marche vers une destination futuriste.

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GOOD VIBES ONLY
Autre ingrédient du succès des enseignes : l’ancrage dans des quartiers où les habitants cultivent un fort sentiment d’appartenance. Elles comptent sur l’architecture pour refléter cette « vibe » dans l’esthétique de chaque adresse, en valorisant le patrimoine du bâti, l’héritage culturel d’un secteur historique ou par des clins d’œil subtils à l’identité de marque.

Pour Noir Coffee Shop, Jessica Mille a déjà réinterprété six espaces, avec à chaque fois une écriture différente. Le prochain ouvrira ses portes rue des Abbesses à Paris. L’architecte a travaillé avec un peintre en ornement afin de réhabiliter les dorures et les fresques de la façade dans le jus folklorique de la butte Montmartre, classée au patrimoine. Dans un autre esprit, elle vient de réaliser son premier espace pour le réseau de dermatologie esthétique SkinThera, un havre de sérénité enveloppé de pierre de travertin à la douceur lactée, au cœur de Bastille.

« EN ARCHITECTURE, TOUT EST POSSIBLE »
Que ce soit des vecteurs d’évasion, de relaxation ou de festivité, ces espaces offrent un terrain d’expérimentation sans limites. Cela passe par des nuances inédites, un « clash de matières » inattendu, ou encore un matériau détourné de son usage initial. Jessica Mille orchestre chaque projet en s’entourant d’experts – mosaïstes, céramistes, maîtres verriers, ébénistes – explorant toutes les possibilités qu’offre la discipline. •

photos : Journey, Jessica Mille, Paris, France, 2024 © Isabela Mayer