Pablo Bras

Par Sébastien Maschino

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À la Fondation d’entreprise Martell, jusqu’au 4 janvier 2026, le designer Pablo Bras signe « Hors Saison », une exposition qui explore la matière invisible : l’air, la lumière, la température. Pensé comme un environnement évolutif, son projet réagit aux saisons et au climat du lieu. Entre design, architecture et expérimentation sensible, Pablo Bras propose une autre manière d’habiter l’espace, sous la curation d’Olivier Zeitoun attaché de conservation au département Design du Musée national d’Art moderne / Centre Pompidou.

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Comment votre approche du design dans « Hors Saison » renouvelle-t-elle notre perception des éléments immatériels comme l’air, la lumière ou la température ?

C’est une pratique assez poreuse avec des formes d’expressions plastiques plus libres que ce qu’impose parfois (ou imposait ?) une certaine idée du design. À la fois par défaut, car c’est auprès d’artistes visuels que j’ai appris le métier et que ma méthode de travail mêle des critères esthétiques autant que techniques ; mais aussi par choix, car au vu des sujets que je traite, il me semble important de conserver une part de baroque ou a minima de subjectivité forte dans le processus créatif, comme précaution à des déterminismes techniques, qu’ils soient technosolutionnistes ou technophobes. J’essaye aussi de faire entrer dans mes travaux des critères sociaux, mais qui s’incarnent dans mon cas moins par les thèmes abordés que dans les relations de travail, de production, et de comment on « fait » des objets ou des espaces.

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De quelle façon les éléments invisibles deviennent-ils matière à concevoir, à expérimenter, voire à fabriquer ?

Il y a une phrase grecque ancienne reprise par le philosophe Whitehead qui m’inspire beaucoup et qui dit que « toute chose coule ». C’est-à-dire que même un morceau de cailloux, ou une tôle d’acier découpée très précisément, continue de déborder au-delà de notre perception. Que les objets, en quelque sorte, « débordent » même quand on ne le voit pas. Dans cette logique-là, une table est simplement le moment donné d’un processus plus ample, et la distinction entre matière tangible et phénomènes invisibles devient assez mince. L’une des idées de l’exposition est d’inscrire ces deux émergences : celle des formes et celle des flux au sein d’un même continuum.

En quoi le lieu de l’exposition, à Cognac, a-t-il influencé votre projet ?

Lors de ma première visite, ce qui m’a le plus frappé, c’est le lieu d’exposition en lui-même, son histoire… C’est un espace qui impressionne quand on le visite et qui inspire quand on y expose : un vaste plateau de 300 m2 percé de larges fenêtres qui irradient l’espace. Au fur et à mesure de la conception du projet avec le commissaire Olivier Zeitoun, l’espace d’exposition et la durée de monstration sont devenus centraux. Des gestes architecturaux ont été adressés en fonction des volumes propres de l’espace, des objets ont été sélectionnés en fonction de sa future fréquentation et des différents enjeux qui l’accompagnent : rythmes, usages, sécurité, etc. Donc le bâtiment historique est bien plus qu’un décor tendu sur lequel vient se plaquer un propos, il devient en quelque sorte son sujet et la frontière entre objets montrant et objets montrés est abolie. Pour renforcer cette impression, je me suis fondu dans l’esthétique du bâtiment en lui empruntant quelques techniques de finition, cela permettait de diluer la distinction entre ce qui était déjà là et ce qui n’est là que depuis « Hors Saison ».

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Votre travail propose une autre idée du confort, plus proche des saisons et des besoins réels. Pourquoi estce important pour vous ?

Il y a une manière de penser la technique qui cherche à rendre plus efficace un dispositif existant et il y a une autre manière qui consiste à questionner l’objet que l’on est en train de rendre efficace. Il s’agit de le dénaturaliser en se disant « après tout, la fonction de chauffer n’est pas forcément rendue par un radiateur, mais par un bout de métal chauffé ainsi et tordu comme ça. » La première approche tente d’optimiser des typologies existantes, au risque qu’elles soient obsolètes écologiquement, l’autre cherche à faire émerger de nouveaux types. C’est cette seconde option que je tente d’investir dans l’exposition. Je ne cherche pas à faire « mieux », mais simplement à réouvrir les types d’objets possibles et je pense que la « grenouille » en est un bon exemple : elle part de la matière et de ses comportements physiques pour induire nos usages et non l’inverse.

photos : A water-cut granite table, milled wooden stools and grape seed cushions make up the reading room • Pablo Bras © Louise Desnos • 360 Straws, a rye straw seat designed and produced with Violette Vigneron • Pellet shovel made of galvanised steel • Since its introduction, the main exhibition space has been visible behind large opalescent PVC panels borrowed from the thermal partitions used in food processing and industrial sites • Exhibition details: limestone with high thermal effusivity and PVC strips. Exposition Hors Saison, Pablo Bras © Pauline Assathiany • Hydraulic wind turbine made from recycled spinnaker fabric and aluminium angle brackets from the Pavillon des rêves project